Etape 35 - Musée Groeningen de Bruges - Bosch et les primitifs flamands
Mardi 5 février 2019. Une des merveilles exposées par le musée de Bruges est sans conteste l'extraordinaire Jugement dernier, de Jérôme Bosch... ou d'un de ses élèves ! Ce tryptyque fut peint en 1495 et 1505, voire 1510. A observer la minutie du tableau et le foisonnement de détails, on comprend bien pourquoi ! Haut d'environ 99,5 cm et large de 60,5 cm (fermé), le triptyque a été peint à l'huile sur des panneaux de bois. Ouvert, le triptyque représente une scène de paradis (volet gauche), le Jugement dernier (panneau central) et une scène infernale (volet droit).

Contrairement aux scènes des volets gauches du Jardin des délices, du Jugement dernier de Vienne et du Chariot de foin, celle du triptyque de Bruges ne représente pas l'histoire d'Adam et Ève au jardin d'Éden. L'image de Dieu trônant dans les nuages et faisant chuter les anges rebelles n'a pas été exécutée ici, mais elle semble avoir été initialement envisagée, comme le révèle le dessin sous-jacent visible à l’œil nu au travers des nuées vers lesquelles volent des anges. En lieu et place d'une représentation moralisatrice de la Chute, l'artiste a peint une vision idyllique du paradis mettant en scène aussi bien des anges que des personnages nus symbolisant les âmes des élus.

Pour apprécier cette oeuvre à sa juste valeur, il faut se pencher sur chaque détail qu'elle offre au spectateur. Et ils sont si nombreux qu'on ne peut tous les apercevoir. Insensée et hétéroclyte, le plus souvent burlesque, elle a sans nul doute dû impressionner les peintres surréalistes du XXe siècle ! Dali en tête. Dans les cieux, le Christ-juge, vêtu d'un manteau pourpre, trône sur un arc-en-ciel, les pieds posés sur un globe, devant une sorte d'orbe dont la couleur azurée tranche avec un ciel en grande partie assombri par des fumées d'incendie. De part et d'autre de sa tête, la fleur de lys et l'épée symbolisent respectivement la pureté et la justice divine. Ce Christ en gloire est entouré, de personnages - probablement des saints intercesseurs - et de quatre anges buccinateurs.

En dessous, sur une terre dévastée, des damnés nus sont livrés à la cruauté de démons grotesques dans un ensemble complexe de scènes de torture. Celles-ci s'organisent dans une composition comparable à celle du Jugement dernier de Vienne et reprennent certaines des inventions du volet droit du Jardin des délices, comme les instruments de musique, couteaux et autres objets disproportionnés. Certaines scènes, comme celle du coin inférieur gauche avec une sorte de tonneau des Danaïdes, semblent illustrer des proverbes flamands. Cette représentation de l'Enfer sur terre se poursuit sur le volet droit, qui montre notamment des démons prenant d'assaut des remparts, avec en arrière-plan une cité en proie aux flammes. Au premier plan, le bœuf que monte un damné casqué et transpercé d'une flèche semble être une citation directe du volet droit du Chariot de foin.

Autre chef-d'oeuvre incontournable, La Vierge au Chanoine Joris Van der Paele, de Jan Van Eyk. Sa réalisation débute à l'automne 1434 et est achevée en 1436. Le tableau était destiné à la fois pour célébrer le dévouement du donateur, toujours en vie, envers son église, mais également pour lui servir d'épitaphe dans l'église où il devait être inhumé, la cathédrale Saint-Donatien de Bruges. L'œuvre est particulièrement populaire pour son réalisme. Le rendu des étoffes, de l'armure, du tapis est hallucinant de précision. Le pauvre chanoine n'est pas épargné, on peut compter le nombre de ses verrues !

A voir également, Le Triptyque Moreel, œuvre réalisée en 1484 par le peintre primitif flamand Hans Memling. Le panneau central représente saint Christophe, saint Maur et saint Gilles entourés de Willem Moreel — important homme politique et riche banquier de la branche brugeoise de la Banque de Rome — et de son épouse Barbara van Vlaenderberch, les deux donateurs.

Au milieu du panneau central se tient le géant saint Christophe — saint patron des voyageurs — qui traverse une rivière en portant l'Enfant Jésus sur ses épaules. Ici, les proportions ne sont pas respectées et saint Christophe est représenté faisant la même taille que les personnages qui l'entourent. Saint Christophe est vêtu d'un habit bleu, recouvert d'une longue cape rouge rabattue sur son épaule droite. Ses longs cheveux sont attachés par un bandeau blanc. Il s'aide d'une longue branche de bois pour traverser la rivière. Le saint Christophe de Memling rappelle — par son habillement — le saint Christophe représenté par Jan van Eyck dans le retable de Gand (1432). Les deux autres saints qui l'entourent n'interviennent pas dans la légende de saint Christophe : à sa gauche le moine saint Maur avec une crosse et un livre ouvert ; et, à sa droite l'ermite bénédictin saint Gilles au bras transpercé d'une flèche, une biche à ses côtés.

Sur le volet droit, la femme du donateur Barbara van Vlaenderberch est — elle aussi — agenouillée devant un livre de prière. Elle est vêtue d'une robe de soie damassée à col blanc et une large ceinture rouge à boucle dorée. Derrière elle, sa patronne sainte Barbe est représentée avec sa tour. Parmi les onze filles du couple, plusieurs ont une frontelle, boucle noire sur le front à laquelle est attaché un bandeau ou un capuchon.
Sur le volet de gauche, à la place d'honneur à droite des saintes figures du panneau central, est représenté le donateur Willem Moreel. Entouré de ses cinq fils, il est agenouillé, les mains jointes devant un livre de prière ouvert devant lui. Il porte une robe doublée de fourrure sans ceinture ni bouton sur son pourpoint noir. Son protecteur saint Guillaume le présente à Marie en posant sa main gantée sur son épaule. À l'arrière plan se dessine une ville fortifiée — peut-être Bruges — dont les hautes murailles sont entourées de douves.
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Superbe encore, cette Vierge à l'Enfant, de Robert Campin, autre peintre primitif flamand, plus méconnu que ses illustres compatriotes. |
Magnifique encore, La Crucifixion, de Jan Provoost. La piété de la Sainte Vierge et de Marie-Madeleine force l'admiration. Provoost fut l'un des peintres des Pays-Bas bourguignons les plus réputés de sa génération et un maître prolifique. Il fut probablement l’élève de son père, Jan Provoost l’ancien, lui-même peintre, qui s’était établi à Mons, puis de Simon Marmion, à Valenciennes, dont il épousa la veuve, Jeanne de Quarube, en 1489. Il quitta Valenciennes pour diriger deux ateliers, l'un à Bruges, dont il devint bourgeois en 1494, et l'autre à Anvers, alors le centre économique des Pays-Bas. Provost était également un cartographe, un ingénieur et un architecte. |
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Autre oeuvre remarquable, Portrait de Margarete van Eyck peinte en 1439 par Jan van Eyck. Il s'agit de l'une des deux dernières œuvres connues du peintre, et l'une des premières œuvres d'art européenne à représenter la femme de l'artiste. La raison ayant motivée sa réalisation est inconnue ; mais il est possible de déduire que ce portait était destiné à décorer l'intérieur d'un foyer plutôt que d'être exposé au public d'après l'expression du modèle, sa représentation non idéalisée et son regard direct, mais plaintif vers l'observateur qui créé un cadre intime et une atmosphère informelle. Van Eyck meurt seulement deux ans après avoir terminé ce tableau. Sa tête est hors de proportion par rapport à son corps, et son front anormalement élevé selon la mode d'alors. Ce stratagème permet à l'artiste de se concentrer sur les traits du visage de sa femme, |
Plein de grâce, il ne faut pas manquer l'oeuvre de Van der Weyden, Saint-Luc dessinant la Vierge. Eéalisé entre 1534 et 1440, ce tableau était destiné à orner la chapelle de la Guide des peintres dans la cathédrale Sainte-Gudule de Bruxelles. Cette oeuvre a eu une postérité inattendue... Et pour cause, on lui connaît pas moins de trois copies, l'original se trouvant au musée de Boston. Un examen du dessin sous-jacent, dans les années 1990, a permis de statuer pour l'oeuvre de Boston. Celle-ci serait donc une copie, tout comme celle de Saint-Petersbourg et celle de Munich.

Cette oeuvre témoigne d'un naturalisme poussé à l'extrême, notamment dans le rendu méticuleux des plantes ou des décors sculptés. Parmi les clins d'oeil, il faut noter la présence d'Adam et Eve sur l'accoudoir du siège de Marie. Cet élément permet de rappeler le rôle rédempteurde la Vierge et de son fils. De même la discrète présence d'un boeuf, à droite, sous un livre ouvert. |
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